Laura Chevalier fait partie de cette génération qui refuse de s’inscrire dans des cases et de suivre le parcours unique métro-boulot-dodo. Pour elle et pour beaucoup d’autres, la vie professionnelle passe d’abord par l’épanouissement personnel et par la multiplication d’activités. Ainsi, quand la nuit arrive, certains troquent par exemple leur costume contre des platines de dj, une passion pour la composition florale ou pour une plume d’écrivain. Pour Laura, il s’agit d’échanger sa guitare contre un pinceau depuis qu’elle a lancé sa marque, Gougou Paris. Interview. Laura, parle-nous de ton parcours. Je suis musicienne et illustratrice parisienne, créatrice de la marque Gougou Paris. Après des études d’art à l’Ecole Nationale Supérieure des arts appliqués Duperré et un master de sciences politiques à la Sorbonne, je suis devenue musicienne, mais aussi web designer dans une agence de pub et communication évènementielle Prodeo, chez Young & Rubicam, pendant plusieurs années. Aujourd’hui je navigue toujours dans le circuit musical avec mes différents groupes et réalise des synchros et du sound design en agence. Depuis 2014, je me suis remise en parallèle à l’illustration « petite enfance » et j’ai crée Gougou Paris, ma propre marque de décoration et bijoux pour enfant. La singularité vient du fait que je réalise des tableaux uniques et personnalisés et des bijoux « home made in Paris » dans des matériaux naturels français. Gougou Paris réunit des articles comme des tote bags, colliers, sautoirs, tableaux déco pour chambre d’enfant et va s’étendre les mois à venir au textile pour bébé. On croit savoir que la naissance de ton fils a été un déclic pour te lancer dans l’illustration… Effectivement, depuis des années j’étais en mouvement permanent avec mes différents groupes… sur la route, en tournée, ou en studio … J’ai fait mon dernier concert enceinte de 8 mois avec Shaka Ponk à l’Ancienne Belgique et vécu ma passion musicale jusqu’au bout. Mais je savais qu’il serait inéluctable d’arrêter de tourner pendant quelques mois à la naissance de mon fils. Alors, après des années de bougeotte, de rock et de webdesign, l’envie de pratiquer au calme le dessin et l’art appliqué m’est apparue de nouveau. J’ai pu me livrer à ma passion d illustratrice pour la petite enfance lorsque mon fils est né. J’ai réalisé mes premières commandes personnalisées avec mon entourage de copines jeunes mamans. Puis j’ai lancé ma marque et vendu mes créations dans une boutique de décor vintage à Lyon, Le Showroom Sans Contrefaçon et sur le marché londonien avec Cookie’s Bazaar. Aujourd’hui Gougou Paris est disponible sur Etsy et très prochainement en boutique à Paris. Comment expliques-tu que le fait d’être mère t’ait donné envie de mettre ta créativité au service d’un projet très différent de la musique ? La musique comme toute passion, demande une grande énergie créatrice, mais aussi physique puisqu’on est en représentation avec les concerts et tournées… Pour mon premier enfant, j’avais envie de profiter pleinement de cette nouvelle vie de maman et de me poser quelque temps. Je ne me suis pas arrêtée de composer, car nous réalisions notre album en studio, mais nous avons délibérément stoppé les concerts pendant quelques mois. J’ai pris ce temps pour me livrer à l’illustration, car l’art appliqué, brut, sans artifice, sans retouche, sans ordi, sans Photoshop …me manquait. En parallèle, tu poursuis ta carrière de musicienne, ton « processus créatif » est-il le même qu’avec l’illustration ? Ton univers musical est plutôt dark tandis que tes illustrations sont très douces… N’est-ce pas un peu schizophrénique ? Surement bipolaire oui! En effet le processus créatif n’est pas du tout le même. Avec l’illustration, je m’autorise une totale liberté et un surréalisme sans limites. Je suis freelance, sans patron, sans contrainte et sans norme ou charte graphique à respecter. Je suis seule dans mon processus de création. En musique nous concevons à plusieurs, avec des complémentarités de compétences, mais aussi des consensus à faire. Le processus de création et les décisions se prennent en groupe, en tenant compte de chaque individu. Comment arrives-tu à jongler entre toutes ces activités ? Après 3 ans chez Prodeo en CDI, je me suis mise à mon compte dans toutes mes activités afin d’organiser comme je le souhaitais mon emploi du temps. Je travaille beaucoup la nuit notamment. Ce n’est pas toujours simple de concilier la vie de maman et ces activités, mais quand on est passionné, on trouve toujours du temps pour se livrer à ses passions. Penses-tu que l’une des caractéristiques des trentenaires d’aujourd’hui est de multiplier les activités – notamment créatives ? C’est multifactoriel à mon sens. En effet nous sommes une génération touche-à-tout qui a grandi avec beaucoup de sollicitation de loisir et une technologie croissante et exponentielle. Tout est devenu possible avec la révolution informatique par exemple. Chacun peut créer chez soi assez simplement… faire son home studio et s’enregistrer chez soi pour la musique, faire du montage vidéo, s’improviser photographe… La création par ses outils est devenue plus accessible et plus simple. Tout le monde peut s’intéresser et toucher à tout en ce sens. Mais ça s’inscrit aussi dans une dynamique plus pernicieuse où tout est aussi plus précaire de génération en génération. L’emploi est plus en plus précaire. Aujourd’hui nous pouvons effectuer différents corps de métier dans nos parcours professionnels par choix pour certains avec des reconversions souhaitées et réussies, mais aussi par obligation. Nous naviguons d’un boulot à un autre. Aujourd’hui on enchaine les stages, les CDD, c’est la course inespérée au CDI… Rien n’est définitivement acquis. Nous ne sommes plus à l’époque de nos grands-parents qui n’avaient qu’un seul métier toute leur vie. Nous devons nous adapter. Est-ce une manière de s’affranchir de certaines convenances, peut-être de créer une rupture avec l’époque de nos parents, où on avait un seul métier toute sa vie ou est-ce simplement une mode, une manière d’exister à travers une multitude d’activités ? Il me semble que c’est contextuel. Je me livre par exemple à plusieurs activités parce que j’aime toucher à tout, mais également parce qu’une seule d’entre d’elle ne suffirait pas pour me faire vivre. Tout est corrélé entre notre époque et notre façon de vivre. Qu’en sera-t-il de la génération de ton fils, selon toi ? J’essaye d’être optimiste et j’espère que cette future génération aura la possibilité de vivre ses passions. J’espère qu’il y aura une émulation, une impulsion créatrice nouvelle, qu’ils opteront et inventeront de nouvelles formes de travail et d’échange, qu’ils seront audacieux et lanceront leurs boites, leurs projets encore plus qu’aujourd’hui… même si le monde du travail semble de plus en plus précaire. Enfin, y a-t-il d’autres domaines que tu aimes explorer ? Comment vois-tu l’évolution de ta carrière ? J’ai travaillé dans l’évènementiel plusieurs années via Prodeo, ou le Bus Palladium, et l’idée de revenir à la com évènementielle en tant que free lance ou RP me plairait. Par ailleurs j’apprécie l’image en général. Je fais de la photo en simple amatrice pour l’instant. Mais le projet de faire de la photo plus sérieusement et de la vidéo, notamment du clip n’est pas impossible. Mais pour le moment je me livre entièrement à Gougou Paris et à la sortie de plusieurs albums en 2016 avec mes différents projets.