Notre chroniqueuse Eugénie Goloschapov a rencontré Frédéric Gourdet, expert de la réalité virtuelle. Celui-ci nous parle de son expérience personnelle et de sa vision globale de cette innovation. Tout d’abord, peux-tu définir avec tes mots, ce qu’est la Réalité Virtuelle, afin que nous parlions le même langage tout au long de cet entretien ? La Réalité Virtuelle c’est la possibilité d’aller ailleurs en un instant, le pouvoir de se téléporter en quelque sorte, un don d’ubiquité à la portée de chacun d’entre nous, et ce, grâce à un outil technologique que l’on appelle actuellement « casque de réalité de virtuelle », (plus tard cela pourra être autre chose : des lunettes, des lentilles de contact,…). Grâce à cette technologie, on peut incarner quelqu’un d’autre. Le fantasme absolu de la Réalité Virtuelle étant de pouvoir faire ressentir des sensations réelles dans un monde parallèle au notre. Comment as-tu découvert la Réalité Virtuelle ? Quand ? J’ai toujours été naturellement curieux de connaître l’évolution des différentes technologies. J’ai donc découvert cela il y a 2 ans environ, puis j’ai suivi l’actualité de cette technologie. Ma première expérience avec un casque de Réalité Virtuelle a été un concert de Paul McCartney, la chanson « Live and Let Die » : une chanson pendant laquelle se déroule un spectacle de pyrotechnie. On est sur scène avec lui, parmi ses musiciens, j’ai vraiment ressenti des sensations sonores réalistes au niveau des instruments de musique : en fonction de ma position sur la scène j’entendais différemment chaque instrument grâce au son spatialisé. Et puis surtout, j’ai trouvé fabuleux le fait de pouvoir être là, sans y être vraiment, pouvoir vivre ce moment alors que ça n’aurait, dans la réalité, jamais été possible. C’est à ce moment-là que la Réalité Virtuelle a vraiment éveillé mon attention. Quand as-tu réalisé que tu pouvais accéder à la réalisation de produits issus de cette technologie ? Lorsque j’ai découvert la Réalité Virtuelle, je me suis rapidement dit que les ouvertures qu’offrait soudainement cette technologie étaient infinies. C’était le futur. Comme c’était encore peu connu à l’époque, peu pratiqué surtout en France, j’ai pensé qu’il y avait encore beaucoup de choses à faire, d’expériences à imaginer, qu’on était au tout début d’une nouvelle technologie. C’était le moment de m’y mettre si je voulais apporter ma pierre à l’édifice. Cela me semblait également assez simple à mettre en œuvre, notamment en terme de matériel et puis pour le reste j’ai découvert que c’était pas mal de « bidouille ». Je m’y suis donc intéressé à fond, rejoint des forums et suivi des groupes Facebook, j’ai développé des connaissances, expérimenté en achetant mon propre matériel. Je me suis ensuite rapproché d’une société de production de films en Réalité Virtuelle Neotopy, dans laquelle j’ai été très bien accueilli. Ils ont apprécié le fait que je sois passionné par cette nouvelle technologie et ce que j’avais pu tenter dans mon coin en autodidacte. As-tu fait la démarche seul ? Ou plutôt au sein d’un groupe de personnes qui t’ont aidé, aiguillé ? En fouillant sur internet, j’ai pu rejoindre des forums, suivre des groupes Facebook, même localisés aux Etats-Unis ! J’ai découvert que cette récente communauté était très ouverte. J’arrivais avec mes questions, on me conseillait ; j’arrivais avec des idées, on m’en donnait d’autres. Tout le monde faisait ses expériences de son côté, ce qui a permis d’échanger sur le sujet. C’était comme une cellule de R&D spontanée. Quelle a été ta première réalisation ? C’était une balade à vélo. J’avais posé la caméra dans différents endroits de mon village d’enfance, puis avec ma copine nous passions devant à vélo donc ; l’idée était de nous suivre dans différents lieux. Tu es ingénieur, ton socle de connaissances t’a-t-il apporté une aisance ? Autrement dit, est-ce que tout le monde peut faire de la Réalité Virtuelle ? Ce ne sont pas mes compétences techniques d’ingénieur qui m’ont aidé véritablement dans ce domaine, mais plutôt l’état d’esprit et la façon de penser, de raisonner : la curiosité, le côté « geek », passer du temps pour obtenir un résultat, l’améliorer, réitérer, etc. Tout le monde peut se mettre à la Réalité Virtuelle, pourvu qu’il soit motivé et prêt à y passer du temps ! Comment as-tu réussi à concilier ton métier et tes travaux en Réalité Virtuelle ? Quelle place cela prend-il dans ton emploi du temps ? Tout mon temps libre ! Ou presque… J’ai fini par demander à mon employeur actuel de travailler à 80%, afin d’avoir davantage de temps libre pour pouvoir vivre cette passion et de réaliser des projets. Songes-tu à une professionnalisation dans ce domaine ? Absolument, j’y travaille, j’en ai vraiment envie et cela va arriver ! Tu as un grand réseau d’amateurs et de professionnels autour de toi. Comment cela s’est fait ? Grâce à internet et les réseaux sociaux… As-tu déjà collaboré sur un projet d’envergure ? Oui, j’ai participé à un projet de concert filmé à 360° de Yael Naim avec Neotopy . Le film se nomme « Unexpected Concert ». C’était un projet important puisque c’était en quelque sorte un faux live avec un faux public, il a fallu faire jouer plusieurs fois les titres par l’artiste. On se rapprochait davantage d’un projet cinématographique, avec de la post-production etc. Qu’est-ce que cela t’apporte ? Le fait de pouvoir être ailleurs. C’est vraiment fabuleux. J’aime aussi voir l’évolution de la technologie, découvrir les projets qui se réalisent, des perspectives auxquelles je n’avais pas pensé. Quel serait le projet VR (Virtual Reality) de tes rêves ? Ce projet reste pour l’instant dans mes rêves car je ne pense pas que la technologie permette actuellement de réaliser ce à quoi je pense… Parlons à présent un peu des aspects techniques de la VR… A quand remontent-les premières traces de Réalité Virtuelle ? Vers les années 80 ont lieu les premières expérimentations en Réalité Virtuelle. A l’époque, ça n’était pas avec des caméras : seulement des mondes modélisés en 3D à l’aide d’ordinateurs qui prenaient une une place folle, avec d’énormes casques de Réalité Virtuelle. Les systèmes utilisaient un labyrinthe de câbles, ce qui devait parfois engendrer de grosses confusions. Parle-t-on systématiquement de 360 degrés lorsque l’on parle de Réalité Virtuelle ? Non pas forcément : plusieurs expériences sont qualifiées de Réalité Virtuelle et se font à 180°, notamment pour de la formation (par exemple le pilotage d’un avion) mais aussi dans le domaine de la vidéo pornographique. On a également beaucoup entendu parler de Réalité Augmentée. Peut-on faire un point sur cette technologie ? La Réalité Augmentée c’est le fait d’ajouter un ou plusieurs objets virtuels dans notre environnement réel. Par exemple : avoir des informations sur les places de Velib disponibles restantes ou sur le prochain métro rien qu’en regardant à travers le pot à crayon sur son bureau ; permettre à un ouvrier d’avoir des informations sur les pièces qu’il manipule comportant des instructions, etc.) C’est vraiment très différent de la Réalité Virtuelle, même si les termes semblent proches. Dans la Réalité Augmentée, on part de notre environnement actuel pour lui ajouter des informations virtuelles (hologrammes) alors que dans la Réalité Virtuelle on se déconnecte de l’environnement actuel pour se téléporter directement dans un environnement virtuel. En Réalité Augmentée, si l’information virtuelle envahit l’ensemble de notre environnement, on peut se poser La question de savoir jusqu’où s’arrête la réalité augmentée et à partir de quand parle-t-on de Réalité Virtuelle ? Devenir réalisateur de vidéo à 360°… De quoi a-t-on besoin comme matériel ? Combien cela coûte-t-il ? Lorsque j’ai commencé, il n’y avait pas encore beaucoup d’alternatives à la création d’une caméra constituée de 6 GoPro (450€/pièce) disposées en cube sur un Rig (support). Etrangement, les caméras destinées au grand public sont apparues avant la caméra 360° professionnelle. On trouve donc beaucoup de caméras abordables mais avec une qualité vidéo pas formidable, ce qui n’est pas encore optimal pour la Réalité Virtuelle. Des formations existent-elles ? Il n’existe pas encore de formation… Il faut apprendre en bidouillant ! On pense tout de suite aux applications au cinéma, au clip audiovisuel, aux jeux vidéos… Y a-t-il d’autres domaines dans lesquels la Réalité Virtuelle pourra briller ? Bien sûr, il y a le domaine éducatif, par exemple on pourrait imaginer emmener un groupe d’élèves dans un lieu culturel où ils n’auraient jamais pu aller, pas même dans le cadre d’un voyage scolaire. Le professeur peut ainsi directement interagir avec eux. L’expérience virtuelle est immersive et permet aux élèves de beaucoup mieux retenir l’information éducative car « ils y étaient ». Il y a aussi le tourisme : on peut désormais « emmener » une personne ne pouvant pas se déplacer aux quatre coins de la planète ! Sinon, la pornographie est un domaine dans lequel la Réalité Virtuelle a un grand rôle à jouer et en est d’ailleurs déjà très friande. D’autres sensations peuvent-elles s’ajouter à une expérience de Réalité Virtuelle ? Oui en effet, il existe déjà des expériences encore plus immersives : le but étant de convaincre le cerveau que l’on est vraiment ailleurs. On peut simuler encore plus l’environnement externe en synchronisant des jets d’eau pour simuler la pluie par exemple, du faux vent ou encore un fauteuil vibrant afin que le corps tout entier soit intégré à l’expérience. Certaines expériences vont encore plus loin grâce à des capteurs que l’on peut placer sur les membres de l’utilisateur afin qu’il puisse se déplacer dans le monde virtuel. Il y a également des objets pourvus de capteurs que l’utilisateur peut saisir afin d’interagir avec dans l’environnement virtuel. As-tu des pistes pour un premier sujet à filmer en VR, pour un débutant ? Ce qui lui plaît, un lieu qu’il connaît. Pourrais-tu citer quelques vidéos que nos lecteurs pourraient aller regarder afin de s’en inspirer, de rêver ? Naive New Beaters – Heal Tomorrow – Clip 360° ft. Izia La chaine Youtube de Frédéric Gourdet : https://www.youtube.com/channel/UC6yrfwwZihgzDLlqXL6pzPQ A 360° Preview of Vrse Bon à savoir… Du 20 au 24 septembre à la Défense : Mozart 360°, une expérience au cœur de l’orchestre