Rémy Dumas est music supervisor. Son rôle est – de manière vulgarisée – de trouver le bon son pour les futurs pubs de nos amies les marques. Aujourd’hui, il officie chez Sizzer Amsterdam. Très intéressé par le monde de la culture en général, il choisit de faire de la communication son métier et d’y lier son domaine de prédilection. Après plusieurs expériences en agence il se dirige vers la production évènementielle, mais toujours dans des domaines étroitement liés à la mode et au monde des arts. L’univers de la musique dans la pub l’a toujours intrigué, avec notamment les premières pubs iPod et celles avec qui il a grandi comme les pubs Nike toujours incroyables en qualité musicale. Sa rencontre avec Marcel a été concluante et l’a amené a être maintenant Music Supervisor chez Sizzer Amsterdam. Rencontre. Rémy, dans le domaine de la publicité, quelles sont les nouvelles tendances musicales et comment envisager leur futur ? Les tendances musicales dans la pub sont naturellement liées à ce qui fonctionne auprès du consommateur. L’electro, qui a pris une place de plus en plus importante dans le paysage musical en est l’exemple parfait. Je dirai qu’actuellement plus de la moitié des campagnes publicitaires ont des musiques basées sur les rythmes electro. Cela n’empêche pas de développer autour de ce style d’autres univers, la pop, le rock, le hip-hop, tous ces styles sont aujourd’hui hautement dopés à la musique électronique. Pourquoi une telle omniprésence de l’électro ? Sans doute parce que la musique électronique est la manière la plus “facile” d’entrer dans la musique. Réaliser une bonne musique est toujours compliqué, mais les nombreux logiciels proposés et la possibilité de jouer n’importe quel instrument à partir de son ordinateur via des plugs ont rendu la musique bien plus accessible et pour tous. Avec des sonorités electro, une basse, une mélodie assez basique, tu peux faire quelque chose de cool. C’était déjà un peu la recette de la disco et des premiers beats de hip-hop. L’electro est une sorte de base de travail, auquel on ajoute sa patte. Autour de l’electro subsiste heureusement les grands courants classiques, le rock qui est toujours présent grâce notamment à l’arrivée de nouveaux groupes de manière relativement cyclique. Cette année, Tame Impale a cartonné (même s’ils existent déjà depuis pas mal de temps) et demain ce sera surement d’autres mecs comme Last Shadow Puppets… Qu’en est-il des tendances ? Les tendances depuis 10 ans ne changent pas beaucoup, finalement c’est la même chose avec quelques évolutions. Qui sait peu être que la prochaine tendance sera le grunge x dubstep ! La musique dans la pub est un phénomène en croissance, les marques commencent à réellement percevoir la force de la musique en matière de mémorisation et d’identification à une marque, un ADN, un life style. La musique c’est 5o % d’un bon film publicitaire. La musique est-elle un moyen privilégié pour la marque de se démarquer ? Je pense même que la musique dans la pub ne sera plus nécessairement rattachée à un film publicitaire, avec l’avènement du digital et avec la capacité de communiquer au plus près du consommateur et de manière ciblée, les marques cherchent de nouveaux moyens de se doter d‘une identité qui soit palpable par le consommateur : brand content, évènement… je pense que la musique est la prochaine étape. La musique peut-elle être un élément de communication à part entière ? Aujourd’hui, il est difficile de dissocier musique et vidéo. La musique est encore le parent pauvre de la production. On paye tant d’euros pour de grands réalisateurs, mais rarement pour travailler avec de bons musiciens, à part certaines exceptions comme dans les milieux de la mode, du luxe ou de l’automobile où il semble qu’il y ait un intérêt particulier pour la musique. Pourquoi cet « avant-gardisme’ de la part des milieux que tu cites ? Je pense que toutes ces marques qui travaillent dans ces différents marchés ont compris que la musique n’est pas simplement quelque chose qui permet d’habiller un film, mais bien plus que ça. La musique marque les esprits, c’est une référence culturelle, temporelle très importante et elle est à la base de toutes les sous-cultures, rock, hip-hop, punk… C’est le meilleur moyen de rattacher une marque á une référence concrète. La musique est un vecteur de “cool”, et la mode et le luxe l’ont bien compris, au point d’utiliser d’ailleurs des musiciens comme égéries, ou comme porte-étendard de leurs produits. Kanye West avec Nike, Vuitton et Adidas… Mais restons sur la musique pure. La question était de savoir si la musique en elle même peut être un élément de communication pure, à elle seule. Je pense que oui, je pense que c’est le meilleur vecteur d’émotion, ce qui est l’un des premiers objectifs d une marque par la communication. Un petit case study pour la route… Weval & Schweppes Weval est un duo électro Néerlandais qui n’avait pas forcément une renommée énorme à l époque. Nous avons produit un track avec eux pour la Pub Schweppes, ce qui les a propulsés au top téléchargement iTunes, mais a aussi fait de cette musique un véritable moyen de communication pour la marque et très reconnaissable. Pourquoi ? Parce que le morceau collait parfaitement à l image que Schweppes voulait donner à son produit, jeune cool, une image club. La musique a vraiment marqué les esprits, ça a super bien marché. Les marques comprennent de plus en plus la puissance de la musique, des campagnes de pub aux magasins et elles cherchent à se positionner à travers elle. De nombreuses marques de vêtements payent pour avoir de véritables playlists professionnelles dans leur magasin qui ressemblent à leur clientèle et à la personnalité de la marque. Soit en magasin ou sur internet, on voit de nombreuses marques se doter d’un univers musical. Dans un futur proche, je pense que les marques à travers leurs plateformes digitales, seront des diffuseurs de musique (des curators) au même titre que des plateformes comme Deezer, Apple Music, à moindre échelle bien sûr, ça fait parti de ce qu’on appelle « user expérience », il y a déjà des marques qui l’ont compris ; ex : Colette, Heineken et sa greenroom, Redbull avec sa music academy, La redoute, pour qui Sizzer à réalisé des playlists, que l’on a diffusées sur une plateforme dédiée. Les hôtels (compile hôtel Costes), bars (Buddha Bar), marques de vêtements (Kitsune, La Redoute), concept stores (Colette) investissent tous dans un univers musical fort afin de faire vivre leur marque autrement et augmenter leur visibilité. Des groupes de rock jouent live lors des défilés de mode aux playlists sponsorisées par une marque, la musique est partout, et donne la possibilité aux marques d ancrer leur image, leur produit dans le quotidien du consommateur, pour qui la musique est l art le plus consommé au monde. Crédit photo : TITIA HAHNE