« Il m’a viré de ses amis Facebook et depuis, je ne lui adresse plus la parole. » Depuis l’avènement de Facebook et des réseaux sociaux en général, il semble que la notion traditionnelle de l’amitié (selon le Larousse « sentiment d’affection entre deux personnes : attachement, sympathie qu’une personne témoigne à une autre ») en ait pris un sacré coup. Quel nouveau rapport à l’amitié à une ère d’hyperconnection ? Essena O’Neill Une étude vient de démontrer que les Millennials (16-30 ans) passent en moyenne une journée par semaine sur leur mobile. Conséquence : les rapports humains se virtualisent de plus en plus et nous font entrer dans un monde où une personne que nous n’avons jamais croisée devient « un ami ». Pour la philosophe Anne Dalsuet, interviewée par les Inrockuptibles : « Le paradoxe avec les réseaux sociaux c’est qu’ils exploitent les caractéristiques et les spécificités de l’amitié telles qu’ont été inscrites et codifiées par ce discours philosophique classique, mais pour les adapter à des fins promotionnelles ou marchandes. On devient ami ou plutôt “friend “, pour reprendre la désignation de Facebook, sans nécessairement connaître l’autre, sans s’être apprivoisés« . Beaucoup de professionnels de la communication parlent d’un désamour des réseaux sociaux depuis trois ans, notamment de la part de ces fameux Millennials. Pour le site Internet 1h38, « il y aurait 25,3 % moins de 13-17 ans en 2014 qu’en 2011, et 7,5 % moins de 18-24 ans sur la même période« . Et les jeunes influenceurs ne sont pas en reste. Le dernier coup de pub d’éclat en date est celui d’Essena O’Neill dont les révélations et la remise en cause de la supercherie d’Instagram l’ont conduit à créer « un forum collaboratif pour ceux qui veulent parler DU VRAI MONDE. » Pourtant, chez certains, Facebook and co ont contribué à créer des liens qui n’auraient pas forcément vu le jour sans le virtuel. Deux personnes qui se trouvent des intérêt communs sur la page d’un groupe de rock et finissent par échanger quotidiennement par email, de manière parfois beaucoup plus régulière qu’avec leurs amis IRL. « La socialisation numérique, ce que l’on appelle le “friending”, porte davantage sur la constitution de liens nouveaux que sur le renforcement de liens existants. »comme le rappelle Anne Dalsuet. Pour d’autres, à l’image d’Adam Liebman, PDG de la start-up Squad, l’enjeu est de connecter virtuel et réel. L’application connecte des groupes d’amis à d’autres groupes d’amis via Instagram. Adam Liebman explique que l’application est conçue pour imiter la manière dont on rencontre de vrais amis dans la vie. « Nous voulions concevoir une app pour que les gens se retrouvent, passent du bon temps et rencontrent de nouvelles personnes lorsqu’ils se sentent suffisamment en confiance. Nous avons un gros pourcentage d’utilisateurs qui se rencontrent dans la vraie vie. Les êtres humains sont des créatures sociables et Squad est un vecteur de rencontres. » Et quid des rencontres réelles justement ? Toujours d’après Anne Dalsuet, « C’est une idée préconçue de penser qu’elles auraient diminué. Pour les Grecs, l’amitié requiert la proximité physique et ne se vit pas à distance. Elle nécessite l’expérience commune du quotidien, le partage d’un même territoire. Aujourd’hui la technologie numérique permet de la vivre différemment. Les lieux de vies s’additionnent. Nous sommes dans l’hyper contact permanent. Qui éteint son smartphone aujourd’hui lors qu’il prend un café avec quelqu’un ? Pendant que je discute, je suis connecté à d’autres personnes grâce à mon smartphone. Les deux réalités se complètent. » Et si finalement, l’amitié ne dépendait pas du canal, mais de la valeur qu’on lui donne ?