WEIORDIE ou l’histoire d’un week-end d’intégration qui tourne mal. Derrière ce scénario, un dispositif digital qui permet au spectateur d’entrer dans l’histoire et d’en contrôler une partie grâce à une timeline qui lui permet de naviguer entre différentes vues et différentes scènes. Couplée à un scénario abouti et actuel, cette expérience interactive fait à la fois figure d’OVNI et d’incontournable dans le paysage de la fiction française. Pour en savoir plus, nous avons rencontré Simon Bouisson, à l’initiative du projet. Simon, quels ont été les retours des spectateurs de WEIORDIE ? Très positif dans le sens où nous n’avons constaté à aucun moment des internautes qui butaient sur le dispositif interactif lui-même. Comme si notre proposition « d’usage nouveau » était une évidence pour tout le monde. Pour être tout à fait honnête, cela m’a étonné car je pensais être confronté à des spectateurs moins téméraires et plus passifs qui auraient pu ne pas se faire à ce bal de caméra qui rythme le récit. Mais à l’inverse, les réactions étaient vraiment enjouées. On a l’impression que les gens sont absolument grisés par le dispositif, et surtout qu’il leur paraît vraiment intuitif et naturel. Beaucoup de gens m’ont dit : mais pourquoi ça n’existait pas avant ? Je n’avais pas la réponse ! Quand on met en place un tel procédé, on fait très attention à ne pas écrire et réaliser un objet trop complexe et difficile d’usage, au risque de passer à côté de notre audience. Je suis ravi de voir que dans notre cas tout le monde s’est emparé de l’objet à sa manière et s’est raconté son histoire à sa manière, ce qui était vraiment l’objectif : permettre au spectateur de se faire son propre film. Et pour cause, il n’existe pas deux personnes qui ont pu avoir la même expérience de WEIORDIE ! On parle beaucoup d’expérience utilisateur actuellement. WEIORDIE s’inscrit-il dans ce type de démarche ? Oui clairement. Dans le sens où quand on a écrit ce film avec Olivier Demangel, le scénariste, nous étions trois. Lui, moi et l’internaute ! Dans chaque moment d’écriture du récit (par trame), on se posait constamment la question des choix que l’internaute aurait. Sans cesse on se disait : « si la il rate ça, alors après il aura besoin de ça… » (cf. s’il rate la noyade de Romain, on voit forcément la queue de séquence de Léo qui panique au bord du ponton.) Ou même : « il ne peut pas rater ça, on en fait un passage obligé » (cf. Emma qui vient annoncer à Félix que Romain s’est noyé.) Dans tous les projets interactifs, je suis très attaché au fait que l’interaction doit être conçue au moment de l’écriture. C’est impossible autrement. L’UX est à scénariser de façon aussi minutieuse que l’histoire, et cette histoire doit être au service de l’UX, donc tout doit être écrit de concert. Simon, peut-on dire que WEIORDIE marque une rupture dans la fiction française actuelle ? Je ne dirais pas une rupture, car rien n’est vraiment nouveau. Brecht avait déjà inversé la place du spectacle et du spectateur, on ne nous avait pas attendus ! J’espère une continuité, avec au passage une prise de conscience collective : le web (comme l’usite WEIORDIE) est un terrain de fiction sans fin, pas seulement réservé aux formats comiques courts. Cette prise de conscience doit avoir lieu surtout du côté des diffuseurs traditionnels, car on voit bien que les spectateurs sont prêts. Le web est incontournable, la question ne se pose même plus, et qui dit web dit liberté : liberté dans la forme, liberté dans l’usage, liberté dans le format et bien sûr, liberté dans le fond. L’interactif dans la fiction sur le web va-t-il être une tendance durable ? Peut-on déjà parler de révolution ? Oui c’est sur. Ce n’est pas qu’une tendance. L’interaction va devenir incontournable dans certains cas. Je dis bien dans certain cas, car le linéaire est immortel et il faut qu’il y ait des films classiques pour le web. Mais l’interaction est là, partout, dans le design même des objets qui nous entourent. Pour prendre un exemple concret : il n’est pas possible de diffuser une œuvre classique dans un casque de VR, il faut une écriture adaptée et donc interactive. Pour répondre à la question du côté des auteurs : nous sommes entourés de toute part de terminaux bourrés de technologies hyper évoluées, c’est trop tentant pour nous de nous en servir au service d’une histoire. Chaplin pensait que le son était une tendance dans les années 30… Peut-on imaginer ce type de dispositif à plus grande échelle, dans un cinéma par exemple ? Dans un cinéma, on est ensemble. Sur le web on est seul. C’est pour ça que le spectateur dans une salle de cinéma doit rester passif. L’auteur écrit pour un groupe : one to many. Sur le web, l’auteur écrit une infinité de possibilités pour que l’une d’entre elles soit adaptée à une seule personne : many to one. Bref ce n’est pas le même terrain, les enjeux sont différents. Pour découvrir le projet, c’est par ci : www.wei-or-die.fr