Jérémy Barlozzo est auteur-compositeur pour les groupes Teen Talk et I love my neighbours, pour le cinéma et réalisateur de clip. Pour Spanky Few, il revient sur un parcours atypique. Nous avions laissé Jérémy Barlozzo il y a quelques années. Il jouait alors avec I love my neighbours et avait beaucoup de projets dans les tiroirs. Aujourd’hui, nous le retrouvons avec pas mal d’années d’expérience en plus. Jérémy, comment envisages-tu le rapport entre la composition d’un morceau et la réalisation d’un clip ? Justement il y a tellement de façons de mettre en image une chanson que je n’ai pas une réponse à te donner. C’est ce qui est excitant quand tu te lances dans ce challenge, tu peux prendre toutes les directions. Dans le cas de « Alter Echoes« , j’avais envie de développer une atmosphère un peu tendue, de proposer des images fortes et dont le lien ne saute pas forcément aux yeux. J’ai aimé que des personnes me contactent en me disant « je n’ai rien compris » ou alors qu’ils me proposent une interprétation qui n’était pas forcément la mienne. J’ai l’impression qu’on a obtenu une réaction. Bonne ou mauvaise, on a créé un échange. C’est le plus important! Tu as également travaillé à la composition de musiques de film, que retiens-tu de cette expérience ? C’est très riche comme expérience. Et très compliqué en même temps. Je ne suis pas Hans Zimmer hein… mais j’ai eu la chance de travailler avec pas mal de gens pour contribuer à construire un petit bout d’ambiance de film. Le plus chouette c’est réussir à mener le projet avec des gens qui apportent leur touche et de voir la magie opérer à l’image. Et la encore, tout est une question de direction. Sur une même scène, deux titres différents peuvent complètement changer ta perception des images. J’espère avoir très prochainement l’occasion de recommencer, c’est vraiment une démarche que j’apprécie. Comment gères-tu le fait de faire partie de plusieurs groupes avec des univers différents ? Je le gère très simplement. Je me suis interdit de faire deux fois la même chose. Avoir deux groupes dans le même créneau c’est le meilleur moyen de s’emmêler les pinceaux. Là, j’explore, je me cherche et de temps à autre je me trouve. Ca fait maintenant presque 10 ans que je joue avec I love my neighbours. On écrit pas mal de chansons en ce moment et c’est agréable de se retrouver entre potes. J’ai eu Ava entre temps qui m’a appris bien au-delà de la musique et qui m’a permis de vivre des moments rares. Et Teen Talk aujourd’hui, c’est le plaisir de faire de la musique librement. Ça facilite pas mal la gestion. Pour réussir un artiste doit-il aujourd’hui être pluridisciplinaire ? Je ne sais pas si ça aide à réussir d’être pluridisciplinaire, en tout cas quand tu n’as pas d’équipe autour de toi en indé aujourd’hui, tu as plutôt intérêt à être débrouillard. Il est devenu assez évident pour pas mal de groupes que faire des titres cools ce n’était plus vraiment suffisant. Donc en plus de la composition des répèt tu te retrouves à faire de l’image, de la com, du booking, etc… C’est formateur, mais ça prend un temps fou. Selon toi, les groupes doivent-ils miser sur le DIY – à l’image de Teen Talk – pour se démarquer ? Ça ne permettra pas à tout le monde de se démarquer. Certains sont plus forts que d’autres pour ça et ensuite tu ne sais jamais vraiment trop pour quoi, un média va mettre ce groupe en avant plutôt qu’un autre. Le piège est de donner quelque chose pour essayer de se démarquer. À répétition, ça va tuer ton projet, tu perds en sincérité, tu perds un peu le fil de ce que tu racontes. Le DIY c’est surtout l’occasion de faire ton truc à toi, de ne pas te conformer à l’idée qu’une maison de disque se ferait de ton projet. Avec Teen Talk, on s’amuse sur l’image. On s’est essayé au triptyque narratif, on a confié un clip à Raphael Lopez à qui on a laissé le champ libre pour faire ce qu’il voulait. Et le dernier, j’avais besoin de le faire moi même. Et au final, en se penchant sur tout ce qu’on a fait en un an seulement on raconte une histoire, avec des thèmes qui s’affinent, des idées qui évoluent. Oui, on n’a peut être pas démarré en totale maitrise de notre sujet, mais en même temps je ne crois pas que ça fragilise la démarche de grandir et d’évoluer avec son projet. Au contraire. Est-ce aussi une manière de se libérer des labels et de mieux maitriser son image et son développement ? Se libérer des labels c’est facile à dire. Tout le monde se dit indépendant. C’est bien souvent par défaut. On profite de cette liberté et on la consolide pour en profiter au maximum. Si un label se présente, on va évidemment l’écouter et essayer de trouver un chemin pour s’entendre sur l’évolution du projet. Ce n’est pas tellement le fait de se libérer des labels, c’est plutôt de ne pas sacrifier ce qui fait l’essence de ton projet et c’est facile de s’oublier dans certaines grosses machines. Aujourd’hui on avance avec nos moyens et même si c’est un plaisir de travailler comme des artisans, de se casser la tête pour faire des clips à 50 euros, t’as envie de plus de moyens. Tu as gagné la coupe de France avec Reims, tu veux gagner la ligue des champions avec Madrid. Ça ne nous empêche pas d’être fiers de notre parcours. En un an, on a fait beaucoup déjà, j’ai hâte d’être à la rentrée. Peut-être aussi une façon de contourner la crise du disque ? Aujourd’hui, quand on sort un EP, on le met en vente à 1,99 euro sur iTunes. Si tu aimes nos chansons, tu les achètes. On s’est juste habitué à une certaine gratuité. Je n’ai pas les clés pour contourner la crise du disque et je ne sais même pas combien Apple prend sur la vente de notre Ep, sans compter la distrib, etc… Si je commence à me poser la question à mon niveau, j’arrête tout de suite. On n’est pas dans une optique de rentabilité. On produit nos albums avec des jobs parallèles, on a plusieurs vies. C’est souvent frustrant, c’est usant, mais la plupart du temps ça vaut le coup. Il ne faut pas devenir trop aigri. Cette crise justement, qu’en penses-tu ? Je n’ai pas la solution pour résoudre le problème, ça se saurait. Il y a encore des artistes qui tirent leur épingle du jeu. J’essaye de pas trop me poser la question parce que j’ai l’impression d’être baisé. Je pense juste que quand j’ai un coup de coeur, j’achète la chanson. J’essaye de faire des chansons qui génèrent des coups de coeur. Pas pour devenir riche. Parce que j’ai envie que nos chansons voyagent un peu. Enfin, quels sont tes futurs projets ? On prépare la rentrée avec Teen Talk. On se pose encore des questions sur la forme à donner aux prochaines sorties. Il y a plein de choses à faire. Et puis préparer une petite tournée pour continuer à se développer sur scène. De mon côté, je vais profiter de l’été pour tourner un ou deux clips et partir un peu en vacances. C’est toujours bon à prendre.