Vincent Munier est un héros. Depuis plusieurs années, il consacre sa vie à photographie ce que la nature a de plus beaux, en particulier les animaux, dont les loups blancs. Il est à ce jour le seul homme depuis 25 ans à avoir approché cet animal fabuleux. Né en 1976, Vincent vit dans les Vosges, sa terre d’origine, cultivant ainsi le contact permanent avec la nature sauvage. Il choisit la photographie pour exprimer ses rêves, ses émotions et ses rencontres. Après ses différents succès au prestigieux concours du BBC Wildlife Photographer of the Year en 2000, 2001 et 2002, il décide de se consacrer totalement à la photographie. Désormais, Vincent fait partie des plus célèbres photographes de nature. Ses images ont été exposées dans divers pays et font l’objet de nombreuses publications – livres et magazines- (National Geographic, Géo, VSD, BBC Wildlife Magazine, Audubon Magazine…). Il est un photographe engagé dans la conservation de la nature depuis le début des années 1990. Rencontre. Bonjour Vincent, pouvez-vous nous parler de votre parcours ? J’ai grandi dans les Vosges, tout près de la forêt et pas très loin des montagnes. Mes parents nous emmenaient souvent, ma sœur, mon frère et moi, nous promener dans la nature. On a un peu grandi entourés d’écolos et, arrivé à la fin du lycée, j’étais plus intéressé par les affûts au renard que par le rattrapage du Bac ! D’où vous vient cet amour de la photographie et plus spécifiquement, de la photographie animalière ? De cette période de l’enfance et de mon père, Michel, qui m’a transmis sa passion et ses connaissances sur les plantes, les animaux et les milieux naturels. Lorsque j’ai eu 12 ans, il m’a prêté un vieux Reflex et un filet de camouflage : j’ai passé une nuit seul en forêt et j’ai pris ma première photo de chevreuils… ça a été une grande émotion pour moi, et une vraie révélation ! C’est donc tout naturellement que j’ai été guidé vers la photo. Même aujourd’hui, j’ai avant tout une démarche de passionné, d’amoureux de la nature sauvage. À travers vos photos, on a le sentiment que vous avez une préférence pour les grands espaces, les paysages hivernaux… Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? C’est sans doute lié à mes origines vosgiennes, car le climat de cette région laisse la part belle à l’hiver… qui peut y être vraiment rigoureux, surtout en montagne. La neige et le blanc me fascinent depuis longtemps, ils adoucissent le paysage et nous invitent à voir et à retenir l’essentiel – un peu à l’image des estampes japonaises. Et puis, les grands espaces offrent la promesse d’une nature (quasi) intouchée, d’une pression humaine moindre et la possibilité de rencontrer de grands mammifères… notamment les prédateurs, tels que les loups et les ours, qui me passionnent depuis toujours. Que ressentez-vous quand vous arrivez à prendre en photo – après plusieurs années de recherche – le loup blanc ? Beaucoup de joie ! J’ai vécu ce que j’attendais depuis des années. Je me trouvais sur l’île d’Ellesmere, la plus septentrionale de l’archipel canadien, à l’ouest du Groenland. Sur cette île, il y a un village de 200 habitants tout au sud, Grise Fjord, et puis plus rien, sur un territoire un peu plus petit que l’Angleterre. Je suis resté un mois là-haut, en solitaire, avec mes skis et ma pulka pour tirer mon matériel… c’est au huitième jour que les loups m’ont trouvé. Approcher ces animaux de si près, est-ce se sentir unique ? Tout petit face à la nature aussi ? Oui, il y a un peu de cela. Lorsque je me rends dans ces territoires blancs, ce n’est pas d’abord pour la photo, mais pour tenter de réduire ce fossé qui se creuse entre l’homme et l’animal. Je reçois là-bas de grandes leçons, je me sens tout petit… J’aime me retrouver dans une situation de faiblesse au cœur de la nature : loin du confort, là où l’on évolue sur le territoire des grands animaux, où l’on avance sur la pointe des pieds, où l’on réapprend le respect. Avez-vous peur parfois ? Et si oui, cette peur est-elle surpassée par l’adrénaline, le désir d’aller plus loin et de prendre des photos plus rares, plus étonnantes ? Cela peut arriver, mais cela reste exceptionnel. Une mauvaise rencontre avec un homme ou un déplacement en voiture me paraissent parfois plus dangereux que le fait d’évoluer sur le territoire d’une meute de loups ! Avec les loups arctiques, par exemple, je n’ai pas eu le temps d’avoir peur, car la rencontre n’a duré qu’une demi-heure. Quand je m’allongeais, ils venaient tout près de moi : ils tiraient sur mes bottes et, dès que je me levais, ils s’éloignaient. On se regardait et je savais alors que j’étais face aux derniers habitants des derniers territoires de la toundra (au-delà, c’est la banquise)… un sentiment incroyable. Existe-t-il encore un animal que vous rêvez de prendre en photo ? Bien sûr ! Ils sont nombreux. Je pense notamment aux félins, comme le tigre de Sibérie ou la panthère des neiges… Vous êtes le premier photographe à avoir reçu trois fois le Eric Hosking Award du BBC Wildlife Wildlife Photographer of the year. Est-ce la consécration ultime ? Le prix Eric Hosking s’adresse aux jeunes photographes de nature (aujourd’hui, il est rebaptisé « Rising star ») : cela commence donc à faire un petit moment que j’ai reçu ses distinctions ! C’était une belle reconnaissance, car le concours de la BBC est réputé internationalement. Mais ces prix ont surtout été un tremplin pour le jeune photographe que j’étais et m’ont aidé à devenir professionnel (je participe rarement à des concours, désormais). Quel vont être vos prochains voyages, vos prochains défis ? Retourner au Tibet et dans l’Arctique fait partie de mes projets. Mais aussi bien que les contrées extrêmes, les vieilles forêts d’Europe restent un terrain de fascination pour moi ! Il me reste beaucoup à explorer, et cela peut aussi se traduire par de nouveaux livres et par la réalisation vidéo. Retrouvez le dernier livre de Vincent Munier, « La nuit du cerf », et tous les autres directement dans sa boutique en ligne.