Dorian Nieto est l’un des blogueurs les plus prolifiques et influents de la sphère culinaire. Chaque jour depuis dix ans, il partage ses recettes et ses coups de coeur sur son blog, dans ses livres ou à la télévision pour le plus grand plaisir de nos yeux et de nos papilles. Son talent et son savoir n’ont d’égale que sa gentillesse. Rencontre ! Hello Dorian, peux-tu nous parler de ton parcours ? J’ai déjà eu plusieurs vies et généralement quand on joue à celui qui a eu le plus de casquettes professionnelles différentes je gagne assez souvent… Avant de basculer dans la cuisine, mes dernières aventures m’ont conduit à être sociologue et père au foyer… entre autres donc. D’où te viennent cet amour de la cuisine et l’envie d’y consacrer un blog ? Je crois que c’est la curiosité qui m’a poussée vers la cuisine, l’envie de comprendre et de savoir. Ça a commencé du côté du 13e arrondissement et d’une cuisine asiatique à laquelle je ne comprenais pas grand-chose. Il faut dire que je partais de loin, pour moi la cuisine chinoise c’était canard laqué et riz cantonnais et rien d’autre… le choc de la diversité a été brutal avant de devenir passionnant ! Tu as réalisé plus de 3000 recettes et sorti plusieurs livres de cuisine. D’où vient ton inspiration ? Elle vient de partout, d’abord des autres, je crois qu’on n’invente rien dans la cuisine du quotidien, seuls quelques grands chefs sont de vrais créateurs. Nous, nous mettons au mieux à notre sauce. Donc mon inspiration vient des autres, des livres, des revues, des blogs, de la dame qui fait la queue devant moi à l’épicerie… de toutes ces recettes qui n’attendent qu’à être attrapées ! Quels sont tes derniers coups de cœur culinaires ? J’ai peu de vrais coups de cœur et celui que j’ai eu pour Florent Ladeyn et pour sa cuisine est un vrai vrai coup de cœur. Ce garçon-là est attachant et sa cuisine est terriblement personnelle, fraîche, inspirée et un poil bordélique alors forcément… As-tu une « signature culinaire » ? Ma cuisine me ressemble, elle est bordélique, un peu excessive, cosmopolite… on mélange le tout on ajoute quelques autres petites choses de plus et voilà ! Tu es considéré comme l’un des blogueurs les plus influents actuellement. Comment gères-tu cela ? T’attendais-tu à un tel engouement quand tu as ouvert ton blog en 2005 ? En 2005 un blog c’était… je ne sais plus ce que c’était, mais vraiment pas grand-chose, je ne savais vraiment pas où j’allais, ni même si j’irais longtemps. Un blog c’était un truc que je ne comprenais pas vraiment, mais qui semblait correspondre à mes envies du moment. J’aurais pu fermer mon blog au bout de quinze jours… heureusement je ne l’ai pas fait. Avec des émissions comme Top Chef – où tu as d’ailleurs été membre du jury de blogueurs – et avec la prolifération des blogs culinaires, on a le sentiment que chacun est un chef dans l’âme. Qu’en penses-tu ? Je suis toujours un peu inquiet de voir certains penser que l’on peut devenir chef comme ça, juste parce qu’on aime cuisiner… Chef, c’est bien plus que cuisiner. Par contre que chacun puisse se dire qu’il peut cuisiner à son niveau en prenant du plaisir, ça je trouve que c’est terriblement réjouissant ! Pour certains, la crise incite les gens à se tourner vers des valeurs sûres comme la cuisine. Qu’en penses-tu ? Je ne sais pas si la crise a fait que les gens se tournent vers la cuisine, mais je pense que la cuisine a aussi un peu changé d’image. Aujourd’hui elle est moins perçue comme une corvée et son côté plaisir et partage s’est développé. C’est peut-être pour ça aussi que certains retrouvent le chemin de leur cuisine. A contrario, certains pensent que cet engouement est démesuré, à l’image de Bertrand Grébaut du Septime. Quel est ton sentiment sur ce type de réaction ? Je pense que Bertrand Grébaut se trompe et qu’il ne voit ne le sommet de l’iceberg, les blogs, les réseaux, les chefs, un certain type d’émissions culinaires… là effectivement il peut sembler qu’il y ait une certaine démesure… mais elle est relative. S’il regardait ce qui se passe en dessous, ce qui est la partie la plus importante de l’iceberg, ce qu’on ne voit pas et dont on ne parle pas, les cuisines, la cuisine quotidienne, là il ne retrouverait sans doute le même phénomène démesuré malheureusement. Alors continuons à parler, continuons à essayer d’aider à apprendre, continuons à montrer qu’il y a beaucoup de plaisir à prendre dans une cuisine… il y a beaucoup encore à faire ! Comment a évolué le monde culinaire depuis tes débuts de blogueurs et comment penses-tu qu’il va évoluer dans les années à venir ? La cuisine, encore une fois je parle de celle qui m’importe finalement le plus, la cuisine du quotidien, évolue doucement tout doucement. Elle s’est peut-être un peu décomplexée et j’espère qu’elle va prendre le chemin qui est un peu dans l’air du temps du haut de l’iceberg. J’espère qu’elle va aller vers une cuisine plus simple, plus saine, plus locale et juste un peu plus bordélique, mais ça c’est juste pour moi… J’espère, mais je ne suis pas sûr…