Il y a quelques jours, nous avons rencontré Laurent Charliot, une personnalité trop peu connue du monde de la musique, mais qui, par ses différentes actions – contribue à apporter à ce milieu toute la dynamique dont il a besoin. Certains le connaissent en tant qu’auteur de la Fabuleuse Histoire du Rock Nantais, Du Rock Nantais en100 Vinyls & CDs et des ouvrages collectifs ROK 1 et ROK 2 avec Frank Darcel. Pour d’autres, Laurent Charliot est d’abord l’un des créateurs du festival Les Rockeurs ont du Coeur, qui depuis 21 ans, allie humanitaire et musique. En effet, pour profiter des concerts, l’entrée se paye par un jouet neuf, qui sera offert à un enfant défavorisé. Une action soutenue par des groupes tels que Deportivo, DJ Zebra, Les Innocents et bien d’autres. Si vous passez à par Nantes le 13 décembre prochain, arrêtez-vous à Stereolux, car « la mission des artistes ce soir-là sera non pas de jouer une partie habituelle de leur répertoire, mais au contraire d’offrir au public présent des moments uniques et rares faits de reprises surprenantes, de duos déroutants ou de morceaux insolites … Ce que l’on va proposer ce soir-là aux spectateurs en échange d’un jouet neuf, jamais ils ne le verront ailleurs« . Mais Laurent Charliot, c’est aussi l’auteur d’un ouvrage unique – L’année du Rock Français 2014 (sortie le 6 novembre dernier) – qui revient sur les découvertes et les temps forts de cette année. Avec précision et passion, Laurent dresse un constat très complet du rock français et ce, avec la collaboration de personnalités telles que Christophe Conte (Les Inrocks), Frank Vergeade (Magic), Philippe Thieyre (Rock&Folk), Olivier Roubin et Romuald Ollivier (Rockawa), ou encore Jean Eric Perrin, Gérard Bar-David ou Loic Picaud. Une bible annuelle indispensable à tout amateur du genre. Rencontre avec un passionné. Hello Laurent, peux-tu nous parler de ton parcours ? Passionné de musique depuis mon plus jeune âge, je rejoins mon premier groupe à 16 ans, nous sommes en 1981. J’arrête les Beaux-Arts de Nantes à l’âge de 20 pour ne faire que de la musique, avec le premier groupe de musique uniquement synthétique, 3 claviers, de Nantes. Puis la vie d’un groupe local qui écume les scènes régionales, un peu d’activisme (organisation de concerts, association pour la conception et l’impression des pochettes de disques et affiches des groupes locaux, etc…). Puis la musique ne me nourrissant pas, entrée dans me monde du travail, dans la communication. J’y suis toujours. Mais le fait que beaucoup de mes amis soient restés dans la musique, et parfois avec pas mal de succès (Elmer Food Beat, Dolly, Katerine, Dominique A, etc…) m’a permis d’y garder un pied, et tout naturellement écrire des livres sur cette passion. As-tu toujours été un passionné de musique et plus particulièrement de rock ? Oui, depuis l’acquisition vers 14 ans de mon premier album de rock, c’était « Road to Ruin » des Ramones, je n’ai cessé de penser musique. Disques tout d’abord, car dès que j’ai pu trouver des jobs étudiants, je dépensais tout dans les disques, puis concerts ensuite. Après, je ne suis pas bloqué sur un style, c’est très éclectique, je crois que je n’ai surtout pas perdu cette soif de sans cesse découvrir, donc je suis toujours aux aguets sur les nouveautés, je suis un boulimique de musique, avec un spectre de styles assez large. Comment est né le festival Les Rockeurs ont du Cœur ? Il a été créé il y a 26 ans par mes copains Elmer Food Beat (on se connait depuis 33 ans, deux des membres jouaient dans mon premier groupe lorsque j’avais 16 ans…). Alors qu’ils connaissaient un succès monstrueux (Plus de 500 000 albums vendus, des tournées sold out à travers la France), ils ont eu l’idée de profiter de cette visibilité pour faire un acte caritatif. C’est en réalité la maman du guitariste qui leur a suggéré. Et l’idée est venue alors d’un concert ou le droit d’entrée serait un jouet. Les Rockeurs ont du Cœur étaient nés. Ils feront, grâce à l’appui de Jack Lang à l’époque, des petits dans toute la France. Des petits qui pour la plupart existent toujours. Mais le centre névralgique reste Nantes, lieu de la création. Il y une dizaine d’années, Manou le chanteur d’Elmer m’a demandé de venir l’épauler, car le concept commençait à connaitre une certaine lassitude sur Nantes et la sortie de mon livre sur la scène locale avait fait pas mal de buzz. Nous avons donc repensé le modèle, avec toujours des « petits » groupes locaux, mais aussi des confirmés, des reformations et l’entrée en lice, grâce à mon «réseau », de groupes nationaux. Depuis, nous affichons complet, à l’Olympic jusqu’il y a 4 ans et maintenant à Stereolux. Nous faisons se côtoyer la jeune scène locale et des têtes d’affiches comme Da Silva, Deportivo, Eiffel, Luke, Les Innocents, Yodelice, C2C, etc… Quelle a été la réaction des gens face à cette opération qui mêle humanitaire et musique ? Et celle des artistes ? Aujourd’hui cet évènement est devenu une institution chaque année à Nantes. Le public vient quelle que soit l’affiche. Le plaisir de faire la queue avec un jouet et de retrouver cette grande famille d’habitués. C’est un peu notre arbre de Noel rock and roll à tous, public, passionnés, techniciens et artistes. Les artistes sont formidables, ils jouent le jeu à fond, car bien entendu ils œuvrent bénévolement, comme les techniciens, mais en plus ils viennent avec des jouets à offrir. Ce soir-là, ils n’y a pas de « pression » de tournée, tout le monde est détendu et cela se ressent jusque pour le public… Est-ce le festival qui t’a donné envie d’écrire et plus particulièrement d’écrire ton dernier ouvrage L’année du Rock Français ? Oui vraisemblablement en partie. Tout d’abord je pense que j’avais fait le tour des scènes régionales, sujet de mes quatre précédents ouvrages. Et puis il est vrai que, en effet boule de neige, j’ai côtoyé de plus en plus d’acteurs nationaux, avec qui j’ai même parfois noué au fil du temps de profondes amitiés, et ils m’ont aussi un peu poussé à relever ce challenge, estimant que j’étais du sérail et que c’est ce qui compte pour la qualité d’un tel livre… Comment s’est passée l’écriture de ce livre et tes collaborations avec les différents rédacteurs ? Je ne souhaitais pas l’écrire seul, du fait de la somme de travail bien sûr, mais aussi et surtout pour l’objectivité musicale. La crédibilité. J’ai beau être passionné, je ne peux pas tout bien connaitre et certains styles musicaux me parlent plus que d’autres. Et je voulais vraiment faire un état des lieux de toutes les scènes musicales. Aussi j’ai contacté des journalistes qui me paraissaient être les mieux placés et apporter un véritable éclectisme. C’est ainsi que l’on retrouve côte à côte, par exemple, Christophe Conte et Phil Lageat, rédacteurs en chef respectifs des Inrocks ou de Rock Hard Magazine. Il en est ainsi pour la chanson rock (Longueur d’Ondes), l’electro (Trax), la pop (Magic), le blues rock (Rock & Folk), etc… Quel constat de la musique en 2014 fais-tu à travers cet ouvrage ? Je suis persuadé que la scène française n’a jamais été aussi riche qu’actuellement. En quantité comme en qualité et diversité. Elle s’émancipe aussi. Si j’arrive par cet ouvrage à attiser la curiosité de gens qui aiment la musique, mais qui parfois ont perdu une certaine forme de curiosité, au risque de penser qu’il ne se passe pas grand-chose sur la scène hexagonale, alors j’aurai réussi mon pari. C’est un livre pour les amateurs pointus de musique comme pour les novices. Peut-on s’attendre à une édition 2015 ? Quels sont d’ailleurs les groupes qui vont compter en 2015 ? Oui, ce livre est conçu comme « L’Année du Cinéma » ou « L’Année du Football ». Il a pour vocation de faire un état des lieux annuel de la scène française, une photographie que l’on pourra ranger dans sa bibliothèque chaque année et la compulser dans quelques années pour en ressentir les évolutions. Et là nous verrons si les artistes que nous avons dits « émergents » dans cette édition, des Radio Elvis à Feu !Chatterton, en passant par Moodoid ou De La Jolie Musique, passeront le cap des années. Et on se souviendra de 2014 comme l’année ou un groupe totalement inconnu en novembre 2013 a rempli plus de 20 Bataclans au printemps 2014. Comme on se souvient des années Reims ou Saint Etienne dans le foot … Enfin, quels sont tes projets futurs ? Bien sûr poursuivre les aventures « Rockeur ont du Cœur » et « L’Année du rock français », continuer à faire de belles rencontres, et peut-être éditer d’autres auteurs sur la toute nouvelle maison d’édition Iena Editions que je viens de créer avec ma femme Cécile… Crédits photo 1 : Eddy Rivière