Rencontre avec Isabelle, une française au Kansas

Chez Spanky Few, nous avons beaucoup d’admiration pour ceux qui partent seuls ou en famille, qui s’expatrient à l’autre bout du monde pour démarrer une nouvelle vie. Vous avez découvert les témoignages de Bertrand et d’Angela, respectivement français à New York et Californienne à Paris. Aujourd’hui, nous vous présentons Isabelle, grande voyageuse qui après avoir sillonné le monde, a posé sa famille et ses valises en Californie puis au Kansas. Entre émotion et mine d’infos, rencontre avec une voyageuse FromSide2Side.

Bonjour Isabelle, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Bonjour, alors, j’ai 45 ans, 4 enfants et j’habite aux Etats-Unis dans la banlieue de Kansas City. J’ai fait des études de pharmacie à Lyon, terminées par un stage à Bâle. Ensuite, je me suis mariée et nous sommes partis habiter pour 16 mois à Casablanca avec mon mari, Gabriel, qui y faisait son CSN. Moi, j’avais trouvé un poste de marketing, enregistrement, dans un grand Laboratoire pharmaceutique. Ensuite, quand nous sommes rentrés en 96, notre première fille est née.

Nous sommes restés 3 ans à Grenoble, ma seconde fille est née et nous sommes partis tous les 4 habiter à Taipei, à Taiwan. Mon mari avait obtenu un poste d’expatrié. Nous y sommes restés 3 ans et demi. J’ai un peu travaillé à l’école française en temps que prof CNED en biologie. Retour à la case départ en 2003, à Grenoble avec une petite fille en plus, née à Taipei. J’en ai profité pour faire un master de gestion des entreprises à l’IAE de Grenoble. En 2006, un nouveau bébé, notre petit dernier, un garçon. J’ai un peu remis à plus tard mes projets de travail. Finalement, en novembre 2008, mon mari a eu une nouvelle proposition de poste d’expatrié en Californie, dans la baie de San Francisco dans la Silicon Valley, plus exactement.

Au bout de trois ans, son contrat d’expatrié se terminant, il a eu une proposition d’embauche dans une boite américaine. Nous avions obtenu l’année d’avant la Green Card. Cette proposition tombait bien sauf, qu’elle était pour Kansas City. Après beaucoup d’hésitations, nous avons accepté le défi. Nous sommes donc depuis plus de deux ans dans le Kansas à quelques miles de Kansas City, qui elle est au Missouri.

Vous êtes une grande voyageuse, quel pays vous a le plus marquée et pourquoi ?

Il y a un pays, que nous avons beaucoup exploré : l’Australie : nous y sommes allés 3 fois lorsque nous habitions à Taipei. Une fois à Sydney, Melbourne, la seconde fois, seuls sans enfants, dans le Red Center, Cairns, et enfin, la dernière fois, sur la Cöte ouest à Perth. Nous avons beaucoup aimé l’ambiance, la beauté des paysages, l’immensité de ce pays. Cela nous changeait de Taipei où tout était surpeuplé.

Malgré tout, j’ai beaucoup aimé ma vie à Taiwan, j’y ai appris le chinois, j’étais fascinée par la culture chinoise. Mais nous vivions quand même beaucoup en marge de la population, le principal frein étant la langue.

Le Maroc aussi m’a beaucoup marquée, c’est le pays de ma mère.

Et puis, quand je pense à tous mes voyages, il y en a un aussi qui me revient tout le temps en tête : c’est un séjour d’une semaine au Liban : de très bons amis s’y mariaient. Nous avions décidé d’y aller.  J’étais enceinte de 5 mois.  A part l’écrasante chaleur, j’ai vraiment aimé ce pays, d’une rare beauté.  On sentait quand même la fragilité du pays.

Pourquoi avoir ouvert le blog FromSide2Side ?

Il y a eu un moment, où j’ai voulu partager avec un plus grand nombre, ce que nous vivions au Kansas. J’ai ouvert ce blog en juillet 2012. Cela faisait un an que nous y habitions. J’avais déjà un autre blog orienté sur la famille et nos voyages. Mais parfois, j’avais envie d’écrire, mais je ne voulais pas le diffuser davantage. Trop perso… alors, j’ai décidé d’ouvrir ce blog. Je me sentais en plus en complet décalage avec la France : nous étions en vacances en France. Alors From Side to Side, c’était pour parler de ce décalage, mais aussi pour parler de notre choc culturel au Kansas… Nous français, aux US, d’un côté à l’autre : d’un des coins les plus high-tech des US, à un des coins les plus reculés des US…

Un blog d’expat’ est-il un bon moyen de garder le contact avec son pays d’origine et peut-être de lutter contre le dépaysement ?

Oui, déjà, cela m’oblige à écrire en français. Cela me permet de garder contact avec certaines personnes. Ma famille le lit beaucoup. Peut-être que pour eux, cela permet de mieux nous comprendre et comprendre ce que nous vivons au quotidien. Mais tout le monde ne le lit pas.

Pour lutter contre le dépaysement, je ne sais pas : ce qui est sûr, c’est que j’ai toujours une idée d’article en tête : ce qui m’étonne, me choque. Je me balade très souvent avec mon appareil autour du cou. Cela me permet ainsi de raconter beaucoup de ce que nous vivons. Les gens pensent souvent à tort qu’il existe peu de différences culturelles entre les français et les américains. C’est vrai que nous avons été abreuvés de séries télé, mais au quotidien, la différence est énorme à vivre : la raconter, c’est déjà un peu l’adopter, se l’approprier et se faire comprendre.

Partir à l’autre bout en famille, dont de jeunes enfants : défi, rêve ou calvaire ?

Je dirais un défi. Quand on part avec des enfants, on leur fait perdre tous leurs repères. À nous de leur assurer suffisamment de sécurité affective pour qu’ils ne se sentent pas davantage perdus. Et quand nous-mêmes, nous sommes perdus, c’est une équation pas forcément facile à résoudre. Chaque âge est différent. J’ai trouvé que c’était pour les adolescents que c’était le plus difficile. En tout cas c’était eux qui l’exprimaient le plus fort. Pour mes deux plus petits, cela n’a pas été une sinécure non plus. J’ai mis plus d’un an à récupérer mon petit bonhomme à notre arrivée dans le Kansas. C’est aussi un défi parce qu’arrivant en pays étrangers avec des enfants scolarisés dans un système éducatif qui ne nous a pas vu grandir, nous avons du mal à les aider. Tous les jours nous avons à dealer avec des nouveautés qui nous dépassent. On s’y fait, cela demande juste beaucoup d’énergie.

Qu’aimez-vous particulièrement et que détestez-vous dans votre vie américaine ?

Ce que je n’aime pas du tout : leur système de santé. C’est juste incroyable pour nous français. Impossible de savoir à l’avance combien un soin de santé va couter. L’assurance ne rembourse pas toujours de la même façon. Tout n’est pas pris en charge et ça coute très cher. Je suis ressortie un jour avec un détartrage des dents qui m’avait couté 500$.  Une crème avait été prescrite à ma fille pour des douleurs musculaires : elle coutait 170$ … alors qu’en France elle ne coute que 5€… (autant vous dire, que j’ai demandé à ma mère de me l’envoyer). Mais ce qui est le plus étonnant, c’est que certains américains n’y voient rien à redire et n’acceptent pas l’idée d’être obligés de payer pour une assurance santé. Pour eux, le gouvernement fédéral n’a pas à intervenir à ce niveau-là, eux n’ont pas à payer pour les autres et surtout n’acceptent pas l’idée de recevoir de l’argent. Le problème est que quand arrive la maladie ou l’accident, ils n’ont plus rien.

Par contre, ce que j’apprécie vraiment dans ce pays c’est l’amabilité des américains. Ce sont des gens heureux, optimistes. Aimables … Ici, tout est possible et les gens se relèvent toujours avec le sourire. C’est un état d’esprit qui nous marque. Nous avons du mal maintenant à nous faire à l’ambiance en France par exemple.

Après la Californie, vous avez emménagé au Kansas. Quelles sont les différences fondamentales en terme de mentalité et de culture entre ces deux états ?

En Californie, nous étions dans un endroit qui est un véritable melting polt. II y avait énormément d’asiatiques (chinois et indiens). Les gens étaient très cools.

Au Kansas, les choses ont beaucoup changé. Nous habitons quand même dans un des counties (communauté de communes) les plus riches des US, mais plusieurs choses nous ont sauté aux yeux : le peu de diversité de la population, l’énorme présence de la religion dans la vie des gens ce qui donne parfois des réflexions étonnantes. Nous sommes confrontés à un certain archaïsme que nous n’avions pas du tout vu en Californie. Par contre, nous vivons beaucoup plus dans la vie américaine. Il n’y a pas d’école française, alors nos enfants vont à l’école américaine et

Si vous deviez choisir trois lieux dans chacun de ces deux états, quels seraient-ils ?

En Californie : j’ai adoré explorer San Francisco : c’est une ville fascinante et magnifique.

Ensuite, Yosemite : c’était à 3h30 de chez nous et pour nous qui aimons la montagne, c’était un ravissement. C’est beau.

Le troisième endroit ???.. Il y en a trop. l’Océan à Santa Cruz, les magnifiques forêts de Séquoias géants, le Parc de Joshua Tree …

Au Kansas : le Kansas est un état assez plat et assez vide. Mais, j’ai beaucoup aimé une petite ville qui est à l’ouest de Kansas City : Lawrence. C’est une petite ville universitaire. Le campus est sur les hauteurs de la ville, c’est très chouette et dans la ville, on retrouve beaucoup de maisons victoriennes, une rue commerçante très sympa. La ville vibre au rythme de KU, de son équipe de basket réputée dans tout le pays et de ses Jayhawks (un oiseau au long bec jaune qui en est son emblème). La ville est un peu une enclave libérale dans ce Kansas si conservateur.

Ensuite, la ville de Kansas City, elle-même est une chouette ville. Mais attention, elle est de l’autre côté de la State Line, dans le Missouri. Il y des quartiers résidentiels avec de très belles maisons, un joli centre-ville et certains bâtiments avec une architecture intéressante. Les musées sont d’une très grandes richesses. On y écoute de la musique sortie tout droit de l’Amérique profonde.

Un autre endroit à explorer au Kansas, ce sont les Flint Hills : des collines verdoyantes, à perte de vue. Mais je ne les ai vues que de loin.

Globalement, comment les français sont-ils accueillis aux États-Unis et plus particulièrement dans les états où vous avez vécu ?

Personnellement, je n’ai jamais eu aucun problème. En général, quand ils nous posent la question dès la première phrase, ils nous répondent souvent qu’ils aiment la France, que c’est un très beau pays. Par contre, c’est clair, qu’ils ne nous comprennent pas : ils ne comprennent pas notre système de santé et d’assistance. Le français a bonne réputation, enfin, là où je suis allée.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui aurait envie de s’installer en Californie ou au Kansas ?

En Californie, c’est un très bel état, mais la vie est extrêmement chère. Alors mieux vaut venir avec un bon matelas… À Kansas City, pour les familles, c’est toujours mieux d’aller s’installer côté Kansas dans de bons schools district. L’intégration est plus facile et les écoles bien meilleures. Par contre, il est toujours mieux d’aller en centre-ville si on vit seul.

Dans quels pays aimeriez-vous vous installer dans le futur ?

Pour l’instant, je ne sais pas trop. Nous nous sommes fixés de rester au Kansas le temps que notre deuxième finisse sa scolarité. Ensuite rien n’est prévu. Donc en fait, l’avenir nous appartient puisque nous sommes résidents… et nous allons aussi un peu au grès des opportunités qui se présentent et que nous saisissons ou pas… Je sais que je n’aimerais pas vivre au Texas, il y fait trop chaud et j’aurai encore plus de mal avec les mentalités… J’aime bien les pays froids, le Canada m’irait très bien. L’avenir nous le dira…