Alix Lacloche fait partie de cette nouvelle génération de cuisiniers qui n’hésitent pas à mixer les genres et les saveurs et prônent l’arrivée des burgers en France. Autant vous dire que nous avons eu un vrai coup de coeur pour cette globe-trotteuse culinaire… Alix Lacloche Bonjour Alix, pouvez-vous nous parler de votre parcours ? Bonjour Deborah, élevée par une mère américaine dingo de cuisine saine et de qualité. Pour elle c’était primordial que je goute de tout et de partout dans le monde. Chaque été nous partions en famille aux quatre coins du monde. Cela à du beaucoup m’influencer, car une fois mon bac en poche j’ai voulu apprendre à cuisiner. J’ai eu la chance de faire un premier stage chez Alain Passard, puis de faire de jolies rencontres dans le milieu de la cuisine à Paris qui m’ont ouvert beaucoup de portes. Mais l’expérience qui m’a le plus marquée c’est quand je suis partie à Rome travailler à l’académie américaine (l’équivalent de la villa Medicis version US) pour participer à un programme en cuisine (the rome sustainable food project) développer par Alice Waters (la papesse du slow food version US). Cela m’a conduite à San Francisco où j’ai travaillé pour divers restaurants pendant 2 ans. Là-bas j’ai appris énormément auprès de chefs et d’une communauté de gens passionnés de cuisine et de bons produits. En rentrant a Paris j’ai eu la chance de travailler avec Cedric Casanova à La tête dans les olives et de faire la cuisine pour une de ses tables d’hôte. Depuis septembre je me suis lancée en indépendante en tant que cuisinière itinérante en proposant des plats, sucreries et repas complets faits maison à emporter ou en livraison, avec aussi un service de traiteur pour grandes et moyennes tablées et plus encore à venir … D’où vient ce goût pour la cuisine ? L’envie de mélanger des saveurs, de voyager, d’utiliser de la couleur et des textures comme dans un collage. Mais surtout travailler avec ses mains, travailler une matière première, la transformation d’un aliment. Par exemple quand on fait des pickles (légumes au vinaigre), la matière première change avec le temps. L’évolution du goût à travers la transformation de l’aliment avec le temps, les différentes techniques de cuisine, la sociologie et l’anthropologie de la cuisine. L’histoire et la culture d’un pays, d’une population à travers les mythes, rites et traditions culinaires. La difficulté du métier, les longues heures, le challenge et l’adrénaline. La concentration, la rigueur et l’énergie. Mais surtout l’envie de nourrir l’autre, de donner de l’amour et de se faire aimer. C’est un métier durable, simple et vivant. Car tant que nous sommes humains sur terre nous allons avoir besoin de manger, alors autant bien manger. L’idée de rassembler des gens autour de la table, de nourriture, des choses simples, mais qui font tourner le monde, loin des questions politiques, économiques, etc. Vous êtes franco-américaine et votre tante est japonaise et chef de surcroît. Comment mixez-vous ces cultures dans vos plats ? Je ne mixe pas particulièrement la cuisine japonaise et la cuisine française. Je mixe plutôt toutes les cultures. J’aime les épices, les herbes et les différents pains que l’on peut trouver d’un pays à un autre. En ce moment je prépare beaucoup de plats inspirés du Moyen-Orient ou de l’Inde. Et quand je veux m’inspirer de cuisine japonaise, je vais chercher dans mes souvenirs d’enfance avec l’aide de livres de cuisine, de recherches et de discussions avec des cuisiniers. Mais avant tout goûter le maximum de choses pour tenter de recréer le gout. Beaucoup de ma vaisselle que j’utilise dans les réceptions que j’organise vient du Japon, car c’est tellement raffiné et cela se mélange très bien avec des plats qui ne viennent pas nécessairement du Japon. Par exemple, l’autre jour j’ai servi du riz grille persan aux airelles dans une grande assiette en laque japonaise. J’aime mélanger les cultures ensemble, cela donne de beaux mélanges, et puis c’est plus amusant. Mes buffets et ma cuisine ressemblent à un feu d’artifice où les couleurs et saveurs se mélangent. Comme j’ai mis pied au Moyen-Orient en ce moment, j’utilise beaucoup de Sumac, de Zatar ou de molasse de grenade pour faire mariner la viande. Beaucoup de vos plats appartiennent au courant comfort food. Pourquoi avoir choisi ce style de plat ? Initialement la comfort food est la cuisine du Sud des USA, assez grasse, mais je l’utilise pour décrire la cuisine des plats traditionnels, la cuisine des mamans et des grands-mères, les plats faits de générations en générations, les plats traditionnels d’une région ou d’un lieu dans le monde. C’est la cuisine que j’ai envie de manger tous les jours, loin de la cuisine gastronomique. Comme les meat balls à la sauce tomate, avec un peu de parmesan et de la polenta crémeuse. Quel est le plat dont vous êtes la plus fière ? Aucun en particulier, je ne fais que répéter en cuisine ce que j’ai déjà goûté ou appris. Je suis fière de tous mes plats sauf quand je rate un plat et que je n’ai pas réussi à avoir le goût que j’avais imaginé. Mais quand même je suis fière de ma chapelure maison avec des saveurs différentes. C’est idéal pour rehausser un plat, des pâtes, une viande ou une salade. Quel est votre plus gros raté culinaire ? Un très bon gâteau au chocolat. Un grand classique que tout le monde réussit sauf moi. Il faut dire que j’utilise toujours une recette différente à chaque fois et n’arrive pas à trouver la recette qui tue toutes les autres. Pensez-vous ouvrir un restaurant ou votre propre food truck ? Non c’est hors de prix et il y a trop de charges… mais je considère l’idée d’avoir un vrai labo à long terme en partage avec d’autres entreprises pour développer mon activité de traiteur avec une table ouverte à tous et pourquoi pas une sorte de deli à sandwichs . Un 3 en 1 ! Quels sont vos derniers coups de cœur culinaires ? Le patron du restaurant Bon Kushikatsu rue Jean Pierre Timbaud à Paris. Les raviolis aux crevettes avec une vinaigrette à la moutarde ancienne. Le lait d’amande de noisette ou d’avoine fait maison grâce à un pressoir. La farine de pois chiche. Les papdums indien. Faire à manger à la maison même si on pense ne pas savoir cuisiner. Ne pas courir la dernière ouverture de bistrot ou table du moment. On assiste à un vrai engouement pour les burgers et la dude food depuis quelque temps. Qu’en pensez-vous ? Est-ce un effet de mode ou une tendance de fond ? C’est super enfin !!!! La France manque considérablement de street Food, de bonnes adresses pas chères avec des cuisines du monde ou des bons sandwichs. Nous n’avons pas cela dans notre culture culinaire comme on peut le trouver dans les pays anglo-saxons. J’espère que c’est une tendance de fond et que ceux qui ouvrent des restaurants dans cette vogue le font, car c’est leur passion de faire de BONS plats et non pour faire de l’argent ou surfer sur un effet de mode. Avec des émissions comme Masterchef et avec la prolifération des blogs culinaires, on a le sentiment que chacun est un chef dans l’âme. Qu’en pensez-vous ? C’est aussi super, cela donne à tous l’envie de cuisiner plutôt que d’acheter des plats tout faits, ou d’aller dépenser de l’argent au restaurant. C’est fantastique de voir autant de gens se mettre à promouvoir la cuisine, leur cuisine. Et puis cela fera peut-être avancer le milieu de la cuisine dans un bon et meilleur sens ? C’est-à-dire moins d’heures passées à se tuer a la tâche pour un salaire minable (pas partout, mais souvent le cas), moins d’ego de la part des chefs (ou plus cela reste à voir !), plus de femmes en cuisine et moins se prendre la tête. Et peut-être plus de partage entre les cuisiniers et les autres personnes qui incarne le milieu de la cuisine? J’espère que cela créera une plus grande communauté ! Pourquoi pas un syndicat des cuisiniers où ils peuvent rencontrer aussi d’autres acteurs de la cuisine comme les agriculteurs, des producteurs de viandes, des écrivains, etc.. J’espère que cela fera connaître d’autres acteurs du milieu de la cuisine, ceux qui permettent aux chefs d’exercer leur métier, etc.. Ainsi que les problématiques ! Tout le monde est dans son coin en France ! Il faut plus de communautés ou les gens partagent entre eux ! Pour certains, la crise incite les gens à se tourner vers des valeurs sûres comme la cuisine. Est-ce un phénomène que vous ressentez ? Je pense qu’il y a depuis quelques années déjà une volonté de créer et faire des choses authentiques qui ont une vraie âme. Il y a une notion « de fait soi-même ou fait maison» qui découle de la cuisine qui est très attractive pour certaines personnes. C’est une échappatoire parfaite au monde virtuel, la crise, etc.. Dans lequel on vit aujourd’hui.