Angela Natividad est l’une des blogueuses et stratégistes digitales les plus influentes de sa génération. Et comme c’est aussi quelqu’un qu’on adore chez Spanky Few, on n’a pas résisté à la tentation de l’interviewer pour le deuxième article de notre série « Destination ». Californienne arrivée à Paris il y a cinq ans, elle nous parle de sa ville d’adoption avec beaucoup de charme ! Angela, peux-tu te présenter ? Angela Natividad : stratégiste, blogueuse et lectrice compulsive. Depuis combien de temps vis-tu à Paris et pour quoi avoir choisi cette ville ? En janvier ça fera 5 ans — je ne les ai même pas vu passer ! Quand j’étais toute petite, un de mes oncles est revenu d’un voyage autour du monde. Il est arrivé comme un champion lors d’une soirée de famille, et il avait des cadeaux exotiques pour tout le monde : des pièces de la monnaie chinoise, de l’encens indien, etc. J’étais timide et j’ai regardé cette scène fascinante en cachette, mais il m’a trouvé en train de regarder quelque chose dans sa valise, qu’il sortait devant mes yeux. C’était un exemplaire de l’histoire de la Poucelina. Il a pris un moment pour m’écrire une dédicace en français, et après il me l’a donné. Je me souviens de mon envie de pouvoir lire ces mots, qui remplissaient toute la première page, comme si j’allais y trouver la clé qui m’expliquerait la vie. Ce premier sentiment n’a jamais perdu sa force. J’avais déjà commencé une carrière prometteuse quand je suis venue à Paris pour la première fois en 2006, pour découvrir enfin la ville. Mais celle-ci m’a pris dans ses griffes : 3 ans après, en tant que rédactrice pour 2 publications marketing, j’ai dit à mes responsables que personne sur le marché américain ne traitait les publicités européennes (à l’époque c’était le cas). Ils ont proposé que j’y aille, j’y suis allée… Et je ne suis jamais partie. Quel est ton quartier préféré et pourquoi ? J’ai une forte préférence pour le 11ème. C’est là où je suis restée quand je suis venue en vacances en 2006, et bizarrement c’est là que j’ai trouvé mon premier et deuxième appart quand je suis venue vivre à Paris. Il y a quelque chose de volatile, de magique dans ses ruelles. Je me suis même dit que j’aimerais être enterrée au Père Lachaise ! Mais ça fait 2 ans depuis que j’habite le 5ème et je commence à m’habituer. Tous mes écrivains préférés ont fréquenté le boulevard Saint Germain ou le Jardin des Plantes, qui est juste en face de chez moi. Les bouquinistes de l’Ile Saint Louis sont devenus comme des amis. Dans ce quartier, dont la taille et la propreté me gênent presque parfois, j’ai commencé à voir de la magie aussi. Si tu devais citer trois lieux incontournables à Paris ? Glou est un peu ma cantine, un choix facile pour des réunions avec mes clients ou des rendez-vous avec mes amis. J’aime beaucoup les cocktails (et les tacos !) de la Candelaria et l’ambiance vivante de la Marie Céleste. Mais quand je vais mal et j’ai envie d’être toute seule avec mon casque, mon ordinateur, un verre de vin rouge et une soupe à l’oignon, je vais directement au Café Mabillon — ouvert 24 / 24 avec du WiFi, donc pas la peine de planifier mes mauvaises humeurs ! Quelles sont les trois choses que tu adores à Paris et les trois choses que tu détestes ? À Paris j’ai vraiment l’opportunité d’avoir la vie équilibrée que je n’ai pas pu avoir dans l’ombre de la Silicon Valley. Du coup j’aime beaucoup (et cette liste paraîtra très déjà-vu) : – La nourriture et surtout le rythme tout autour — aux États-Unis nous mangeons n’importe quand et n’importe quoi, on en perd le goût. – Une culture où les relations face-à-face sont toujours valorisées. Je n’ai jamais regretté de prendre du tels pour les gens que j’apprécie, pour aller boire un café par exemple et j’ai l’impression qu’ils partagent ce sentiment : on prend notre temps, on ne regarde pas nos portables, on parle plus de nos vies que des affaires. – Le fait que les livres fassent vraiment partie de la vie ici : les petites librairies sont protégées et elles ont chacune leur propre caractère (mon exemple favorite est I Love My Blender, qui mélange la littérature anglaise et française). Et la famille de mon copain me gâte avec des romans historiques et contemporains — c’est vraiment le meilleur cadeau qu’on puisse m’offrir ! Ce que je n’aime pas : – Il fallait que je m’habitue aux gens qui râlent en permanence. Aux États-Unis nous croyons presque que les gens qui se plaignent méritent leurs malheurs (merci à Benjamin Franklin !) nous sommes éduqués pour ne jamais se plaindre. Du coup, entendre les gens se plaindre autant fatigue vite le cerveau — surtout quand il n’y a pas de solution (ex. de se faire chier, car on n’aime pas le papier peint d’un bistro du coin. MAIS QU’EST-CE QU’ON S’EN FICHE ?!!). – La culture du travail est très différente. Aux États-Unis la jeunesse est valorisée (et d’ailleurs très bien payé dans certaines industries). En France c’est plutôt la maturité qui compte. La façon de motiver les gens est différente aussi : la constructive criticism n’existe pas ici et est même vu comme une hypocrisie par certains ! J’avoue que cela me manque. – J’ai parfois l’impression que rien n’est concret avant d’avoir subi 10 000 papiers administratifs. Les fonctionnaires ne s’inquiètent pas pour la planète…? Tu es originaire de Californie. Qu’est-ce qui te manque au quotidien ? In-N-Out Burger (même si vos hamburgers sont très corrects) La lexicone. Ca me manque de parler anglais, surtout avec les gens qui viennent de mon coin : notre façon de parler n’est pas comme des autres ! L’attitude “cool” — Paris est chic, et ce n’est pas pareil (mais bon, les gens qui portent les sweats en permanence ne me manquent pas trop … même les gens “cools” ont un mauvais côté) Selon toi, quelles sont les principales différences culturelles entre un américain et un français ? Il y en a trop, et je crois que j’ai déjà touché sur quelques différences dans cet interview. La meilleure réponse, je crois, est une remarque qu’un journaliste français m’a faite. C’est une généralisation moche, mais elle a quand même une TOUTE PETITE pépite de la vérité : “Pour le vin, les Français sont influents. Pour l’innovation, les Américains sont influents. Les Français peuvent apprendre l’innovation, et les Américains peuvent apprendre le vin, mais ils ne seront jamais influents.” (Ici j’ai envie de dire que c’est UC Davis qui a découvert la cure au phylloxera et qui a donc sauvé tous les vignobles de la France, et que nous avons donc appris quelques petites choses, mais bon, je préfère quand même le vin français.) As-tu un conseil à donner à un américain qui voudrait s’installer en France ? Sois méticuleux, persiste, choisis bien tes amis (et tes batailles), et accroche-toi à ton optimisme. Merci Angela ! * Toutes les photos sont d’Angela Natividad