Selon le magazine Les Inrockuptibles, Mona Chollet fait partie des 100 français qui réinventent la culture aujourd’hui. Mais plus que la culture en général, c’est à la sociologie que cette journaliste offre un nouveau regard, et plus particulièrement à la place de la femme. Mona Chollet fait partie de ces journalistes qu’on ne voit pas à la télévision ou qu’on n’entend pas à la radio, mais dont la voix porte plus loin que celles de beaucoup de personnalités « médiatiquement actives ». Il faut dire que cette diplômée de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille a commencé très fort. Pigiste chez Charlie Hebdo, son contrat est interrompu en 2000 après sa contestation d’un éditorial du directeur de la rédaction Philippe Val qui qualifiait les Palestiniens de « non-civilisés ». Elle raconte à ce propos : « Quelques jours après, il m’a convoquée, et il m’a annoncé qu’il arrêtait mon CDI après le mois d’essai, alors que j’étais pigiste depuis un an. Ça m’a sidérée. » Cette rupture marque un tournant dans la carrière de Mona Chollet qui devient journaliste au Monde diplomatique, tout en se faisant remarquer pour ses essais ambitieux et engagés. Parmi eux, Beauté Fatale, qui dresse un portrait au vitriol de l’image de la femme véhiculée par la société. Qu’y a-t-il de mal à vouloir être belle ? Par cette interrogation, l’auteur nous invite à analyser les enjeux de la beauté aujourd’hui. Est-ce qu’on est belle pour soi ou est-ce qu’on belle pour les autres. Quel est le poids de la notion collective de beauté et de mode sur l’individu. Vaste question. « C’est le complexe mode-beauté qui distribue les points pour savoir qui est une vraie femme et qui ne l’est pas. C’est un paradoxe étonnant : la féminité est à la fois présentée comme quelque chose allant de soi et résultant, en même temps, d’un travail permanent au résultat incertain et des critères bien précis. Cela m’a amusée de voir comment, par exemple, sur les blogs, le sac à dos est interdit – j’en ai un là, par exemple, donc je ne suis pas une vraie femme ! C’est aussi évidemment un filon commercial fabuleux… puisque les sacs sont un secteur de consommation qui va très bien. Alors que c’est une arnaque monstrueuse : ce sont souvent des sacs très laids, vendus 800 ou 1.000 euros.« On pourrait qualifier Mona Chollet de féministe mais ce serait manquer de respect à son travail que de la faire rentrer dans une case. Elle analyse avec une finesse rare le mouvement Femen, comparant avec humour ses membres à la Cicciolina et démontrant leur côté « animal médiatique ». « Le féminisme serait donc devenu consensuel, au point de faire la couverture de tous les journaux et d’avoir l’honneur de documentaires télévisés abondamment promus dans la presse ? Il faudrait être naïf pour le croire. L’intérêt pour les Femen s’avère parfaitement compatible avec l’antiféminisme le plus grossier.« Dans toute sa complexité et de manière paradoxalement très simple, Mona Chollet nous interpelle, nous décomplexe et nous permet un retour aux sources. « Chez soi », son dernier essai où elle interroge l’espace domestique fait figure de bouffée d’air frais à une époque où le Fomo – acronyme de « Fear of missing out » règne en maitre. « Très répandue, la peur de « rater quelque chose » est absurde, quand on y pense : autant elle pourrait avoir du sens, à la limite, dans l’univers des médias traditionnels, qui existent en nombre restreint, autant, sur Internet, on est forcément toujours en train de rater des millions de choses. Tant d’articles qui pourraient nous passionner et qui n’arriveront jamais jusqu’à nous ; tant de blogs ou de comptes Twitter dont on pourrait faire son miel et dont on ignore l’existence. Mais j’ai beau le savoir, une force presque hypnotique me pousse à remonter le fil des publications jusqu’à ce que je me retrouve au point où je m’étais déconnectée la dernière fois. » Dans cet ouvrage, Mona Chollet explique de manière concrète pourquoi il faut arrêter de culpabiliser de vouloir rester chez soi. Non, rester chez soi ne veut pas dire ne rien faire, s’ennuyer ou faire la vaisselle. À travers des exemples culturels, philosophiques et historiques, elle nous (ré)apprend qu’on peut très bien découvrir le monde de chez soi, avec un regard et un recul différent, quand bien même cela va au-delà de ce que la société attend de nous. « Beaucoup, sans être artistes, éprouvent un besoin tout aussi régulier de solitude. Mais il leur sera très difficile d’en imposer la légitimité. La société continue de prendre cette revendication comme un affront. Vouloir rester chez soi, s’y trouver bien, c’est dire aux autres que certains jours – certains jours seulement – on préfère se passer de leur compagnie ; et cela, pour se consacrer à des occupations, ou pire, à des absences d’occupation qui leur paraîtront incroyablement vaniteuses ou inconsistantes. » Vous l’aurez compris, Mona Chollet, on l’aime et on attend avec impatience son nouvel essai. Dépêche-toi Mona ! Pour en savoir plus : les interviews de Mona Chollet pour Libération et Contretemps / Crédits Photo : Philippe De Jonckheere