Vous le savez peut-être : sur Spanky Few, nous ne faisons pas de chroniques d’albums ou de concerts. Ce qui nous intéresse, c’est de parler de ceux qui oeuvrent en coulisses tels que les managers, les bookers, les organisateurs de soirées… et qui participent au succès des groupes que nous aimons. Jusqu’à maintenant, nous avions oublié des figures importantes du monde de la musique : ces musiciens qui jouent dans plusieurs groupes et jonglent parfois avec plusieurs styles. Notre amie Eugénie, bassiste pour différents projets, dont AV et Marc Desse, inaugure pour nous une nouvelle série d’articles, dédiée à ces musiciens. Crédits : Astrid Karoual Hello Eugénie, peux-tu nous parler de ton parcours ? Hello Déborah, la musique est présente dans ma vie depuis le jeune âge. J’ai commencé à apprendre le piano classique aux alentours de 6 ou 8 ans. Le fait d’avoir eu la chance d’assister au concert de Paul McCartney à Bercy en 2003 a déclenché en moi la fièvre de la pop, du rock, et de tout ce qu’on appelle communément les « musiques actuelles ». Une autre chance a été de rencontrer un professeur de guitare hors du commun qui m’a fait rencontrer les membres de mes premiers groupes, m’a soutenue afin de tout essayer (guitare, chant, batterie) et enfin m’a accompagnée lors de mes premières années d’apprentissage de la basse. La musique a-t-elle toujours été une passion pour toi ? A l’époque de l’apprentissage du piano classique, on ne peut pas dire que ça me passionnait. J’aimais bien, mais ma vraie passion a longtemps été l’équitation. La découverte des instruments modernes et des nombreux styles musicaux auxquels ils permettent d’accéder a balayé brutalement de ma vie la passion équine. Cela fait donc 11 ans que je suis « à donf » et environ 4 ans que je le suis davantage grâce à la découverte de la pratique de la basse. Pourquoi avoir choisi de jouer de la basse ? C’est l’instrument que j’ai essayé en dernier. J’y ai trouvé quelque chose de viscéral, d’addictif. En plus, comme je suis assez grande, le format de cet instrument m’a tout de suite paru naturel. Parle-nous des groupes avec qui tu joues et de ton rôle au sein de ces groupes ? J’accompagne AV sur scène depuis janvier 2012, il est venu me chercher de ma campagne Seine et Marnaise dans laquelle je m’ennuyais un peu. Son choix de sons électro froids sur lesquels venait se poser une voix sombre m’a tout de suite séduite. Il voulait absolument faire jouer une fille à ses côtés pour délivrer une ambiance sexy dans le live. Je dirais que mon rôle est celui de la petite sœur protégée du groupe, ce qui est très cool. Depuis février 2013, j’accompagne également Marc Desse, qui assurait lui-même la basse en live lors des concerts de l’époque. Son projet m’a énormément touchée, j’ai trouvé un côté punk attachant chez ce mec. J’avais très envie de jouer dans son groupe. Je suis donc devenue une sorte de fan accomplie de Marc lorsqu’il a accepté ma proposition de prendre la basse pour lui… Dans le groupe mon rôle est davantage pragmatique et maternel, je participe beaucoup à la logistique, et ça me plaît bien de conduire le camion lors des déplacements en province par exemple ! Comment un musicien peut-il gérer au mieux les différents styles des groupes pour qui il joue ? Je pense que ce qui est incontournable est d’aimer le projet dans lequel on joue, échanger avec les acteurs du projet, écouter les influences, discuter musique, cinéma, des goûts en général… Le reste vient naturellement. Qu’en est-il des différents égos et personnalités à qui un musicien est confronté ? Il n’y en a pas énormément. Un chanteur c’est particulier, ça tout le monde le sait. D’autant qu’il est important pour son rôle d’avoir de l’égo bien dosé. C’est ça le plus difficile, je pense : le dosage de l’égo pour un chanteur. Beaucoup de choses en découlent. Un musicien est forcément amené à fréquenter d’autres musiciens. On sent toujours une forme de solidarité entre nous, une déontologie. On se rassure, on se soutient, on est complices, collectifs. Un musicien qui se la joue perso n’a pas sa place dans un groupe. Avec l’évolution de l’industrie du disque, le rôle d’un musicien jouant dans plusieurs groupes évolue-t-il lui aussi ? Je pense sincèrement que jouer en groupe n’est pas corrélable à l’industrie du disque. Jouer en groupe c’est une vraie expérience humaine. Ça rend meilleur, on apprend sur les autres, sur soi. L’industrie du disque peut évoluer comme elle veut, cela n’influencera pas ce qu’un musicien vit lorsqu’il joue en groupe. Tu as la particularité de jouer dans des groupes composés exclusivement de membres masculins. En tant que femme, est-ce dur de trouver ta place ? Tes relations avec les membres des groupes sont-elles différentes ? Être une femme dans un groupe d’homme ne m’a posé aucun problème d’intégration, je dirais même : au contraire. On cherche davantage à me confier des choses, à me raconter ses histoires… Comme j’aime écouter les autres, ça fonctionne plutôt bien. Le top du top c’est quand on finit par me dire « Mec ! » ou qu’on m’inclut dans un « Hey les gars, vous venez !? » franc et sans hésitation. Aimerais-tu un jour créer ton propre groupe, composer tes morceaux et pourquoi pas, chanter ? A 16 ans j’avais entrepris tout ça. Avec une fille, on faisait du garage, on s’appelait Edwards. J’écrivais des riffs à vocation efficace, des paroles en anglais débiles et elle était une puriste du rythme binaire. Ça dépotait. Je chantais, mal, mais je chantais !!! Aujourd’hui je songe à monter à nouveau un groupe de garage, même si j’aime passer du temps à créer de la musique électronique sans paroles. Les gros riffs de guitare me feront éternellement vibrer ! Dans quel groupe à forte notoriété aurais-tu aimé jouer ? The White Stripes. Je suis trop jalouse de leur minimalisme génial et assumé, des idées de Jack White, de ses guitares qui sonnent d’enfer. J’aurais adoré accompagner David Bowie sur scène aussi… Le mot de la fin ? Merci Déborah, ce fut ma première interview !