Quand on parle de Peter Xu, le simple terme de « blogueur » ne suffit plus. Avec ses plus de 1,3 millions de fans sur Sina Weibo, il fait partie de la sphère influente chinoise, tout en portant les casquettes de styliste, chroniqueur, journaliste télévision et rappeur. Peter nous livre ses réflexions sur son univers de prédilection : la mode en Chine. Comment percevez-vous le secteur du luxe et de la mode en Chine ? À mon avis, le secteur connaît une évolution rapide initiée grâce à la croissance du pouvoir d’achat des consommateurs depuis les années 1980 et 1990. Au terme de cette période, la Chine a tourné le dos à la domination de marques du luxe comme Hermès, Louis Vuitton et Mont Blanc. Au départ, ces marques incarnaient l’image du luxe plus que la mode en elle-même, elles étaient plébiscitées par des personnes riches qui n’avaient finalement qu’une connaissance limitée de la mode. La nouvelle génération de consommateurs affiche une personnalité plus singulière, elle est mieux éduquée et imprégnée par la culture, l’art et les marques de l’Occident grâce aux films, aux émissions de télévision et à Internet. Cette génération sait très bien ce qu’elle veut. Elle est en quête d’un stylisme, d’une mode et d’articles de luxe qui soient à la fois sources d’inspiration et de différenciation. Cette mode est fortement influencée par les célébrités emblématiques, il ne s’agit plus uniquement des grandes marques. C’est ainsi que des enseignes multimarques comme Lane Crawford, 10 Corso Como, I.T et Maria Luisa ont émergé et prospéré ces dernières années, aux côtés des marques de créateurs qu’elles proposent. Quelle est la différence entre les prescripteurs de tendance du secteur de la mode en Chine et les bloggers mode d’autres pays? Les gens qui exercent une réelle influence sur le secteur de la mode sont principalement des célébrités qui font la promotion de marques. Les rédacteurs et les designers gagnent en influence même si celle-ci reste très inférieure à celle de leurs homologues en Occident. C’est la même chose pour les bloggers mode, les bons sont rares tandis que les bloggers beauté pertinents sont nombreux en raison de l’importance du marché. Au contraire des bloggers mode des autres pays qui publient sur leur propre site Web ou blog, les bloggers mode chinois sont d’avantage présents sur Sina Weibo (le Twitter chinois) et Instagram. Ils restent dans l’ombre et se montrent relativement conservateurs en termes de style par rapport aux bloggers expérimentés d’autres pays. En raison des obstacles linguistiques et géographiques, ils ne collaborent pas ni ne communiquent beaucoup avec la sphère mode internationale, et ne vont assister aux fashion weeks de New York, Londres, Milan et Paris que très rarement. Avec d’autres bloggers, nous travaillons toutefois à faire évoluer ce statu quo. Que représente la mode pour vous ? Elle n’est absolument pas une question de vanité. Elle est fondamentale, à l’instar de l’air que je respire. Elle représente à mes yeux un véritable mode de vie, qui ne se cantonne pas aux vêtements que je porte mais va bien au-delà. Elle m’a appris à ne pas juger une personne mais son visage. Elle m’évoque les villes dans lesquelles je voyage, les livres et les œuvres d’art que j’apprécie, mes enseignes de shopping favorites, les amis que je me fais et les sujets que je partage avec eux. La mode peut s’appliquer à tous les aspects de ma vie, elle est le remède suprême qui m’aide à rester jeune et dynamique. Elle change la perception d’autrui à mon égard. Elle me transforme en quelqu’un de plus séduisant et sophistiqué. Enfin, elle m’apaise et me garde en forme. Quelle est la prochaine étape ? Comment vous projetez-vous ? Je reviens de Suisse où j’ai assisté à Baselworld, le salon mondial de l’horlogerie. Je développe mon blog en le transformant en blog lifestyle, qui ne se cantonne plus seulement à la mode. Mes clients, des hôtels, des horlogers, des constructeurs automobiles et des joailliers, mais aussi des marques chinoises, cherchent à faire évoluer le royaume de la mode et du design. Au-delà du plaisir que j’ai à promouvoir leurs efforts, je considère que c’est aussi mon devoir. À l’avenir, je me projette en conseil mode et analyste digital, avec un plus grand nombre de plateformes médias et de connexions RP pour être au service de marques et d’entreprises globales. À l’heure actuelle, je contribue à des magazines comme Madame Figaro et Cosmopolitan en Chine avec mes chroniques et je travaille sur de grandes plateformes en ligne comme Elle TV, Elle Chine et Netease, qui m’a d’ailleurs nommé « rédacteur-en-chef invité ». J’avance dans cette direction et je mène des projets en ce sens depuis pas mal de temps maintenant. Source : http://www.kering.com/fr/magazine/carnets-de-chine-peter-xu#sthash.cSsF25bN.dpuf